Versailles festoie, Joseon ritualise

Deux tables, deux mondes

À l’ouest, dans la galerie éblouissante du château de Versailles, des centaines de chandelles illuminent une table interminable. Les nobles retiennent leur souffle : Louis XIV s’installe. Tous les regards convergent vers le Roi-Soleil qui va, devant eux, porter la cuillère à ses lèvres. Manger, ici, est un spectacle.

À l’est, dans la cour silencieuse du palais de Gyeongbokgung, une autre table est dressée. Pas de rires bruyants, pas de mets qui débordent : une harmonie stricte de plats, disposés selon l’ordre des rites confucéens. Le roi de Joseon prend place face à ses ministres. Manger, ici, est un rituel.

Versailles : festoyer pour briller

Sous Louis XIV, le banquet est une arme politique. Le “grand couvert” n’était pas un repas privé : c’était un théâtre. Nobles, ambassadeurs et courtisans se pressaient pour voir le roi dîner. Peu importait ce qu’il mangeait réellement — le faste, les mets venus des colonies, les pyramides de pâtisseries, tout devait dire : “Regardez, je suis le centre du monde”.

Le chocolat chaud, nouvelle boisson exotique, faisait sensation. Les glaces, encore rares et coûteuses, impressionnaient par leur fraîcheur miraculeuse. La table du Roi-Soleil n’était pas seulement destinée à le nourrir, mais à nourrir l’imaginaire d’une France triomphante.

Joseon : manger en harmonie avec le cosmos

À la cour de Joseon, les repas officiels n’étaient pas moins codifiés, mais dans un esprit bien différent. Ici, l’excès était proscrit. La nourriture devait refléter l’ordre du monde : équilibre des saveurs, symétrie des plats, respect des saisons.

Le banquet royal (진연 jinyeon) pouvait comporter des dizaines de plats, mais tout répondait à une logique confucéenne. Les aliments fermentés, les soupes, les légumes de saison témoignaient d’une recherche d’harmonie entre le roi, la nature et ses ancêtres. Dans certaines cérémonies, le roi mangeait face à l’écran symbolique du Soleil et de la Lune — rappel que son pouvoir venait du ciel, pas seulement de son palais.

Deux philosophies du banquet

À Versailles, le roi mange pour être vu. À Joseon, le roi mange pour montrer l’exemple.
L’un brille par le spectacle du luxe, l’autre par la sobriété vertueuse.
Deux conceptions opposées, et pourtant complémentaires : dans les deux cas, la table devient un langage politique.

Conclusion

Quand Louis XIV croquait un fruit exotique devant des ambassadeurs ébahis, il affirmait la puissance coloniale et commerciale de son royaume. Quand le roi de Joseon trempait ses baguettes dans une soupe de saison, il rappelait que le souverain est un père attentif, garant de l’ordre moral.

À travers la nourriture, chaque roi se révélait tel qu’il voulait être vu :

  • Versailles : la monarchie comme un feu d’artifice.
  • Joseon : la monarchie comme une boussole morale.

Manger n’était pas anodin. À la table des rois, chaque bouchée avait un sens.

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