Le roi, plus qu’un homme
Imaginez la scène : à Séoul, un matin du XVe siècle. Le roi de Joseon sort de son pavillon pour rejoindre la salle du trône. Les ministres, déjà agenouillés, l’attendent pour la grande audience matinale. Silence, sobriété : chaque geste est réglé par le rituel confucéen.
Maintenant, traversez les continents et les siècles : à Versailles, un courtisan chanceux assiste au lever du Roi-Soleil. Les rideaux s’ouvrent, Louis XIV apparaît dans sa chambre, et la journée commence. Ici, pas de silence austère : tout est spectacle.
Deux rois, deux continents, deux manières de briller. Mais un même objectif : rappeler à tous que le centre du monde, c’est eux.
Le décor : sobriété contre splendeur
À Gyeongbokgung, tout respire la mesure. Construit en 1395, le palais suit les règles du feng shui : montagnes protectrices derrière, rivière devant. Pas besoin de dorures : l’alignement des bâtiments, l’axe nord-sud, la symétrie suffisent à dire que l’ordre cosmique passe par le roi.
À Versailles, Louis XIV a vu les choses autrement : il veut que tout l’Europe sache qu’il est le Soleil. Résultat ? Des kilomètres de jardins, des miroirs, des plafonds peints de batailles victorieuses. Un décor pensé pour éblouir, intimider, hypnotiser.
La journée royale
- À Séoul : Le roi commence par écouter ses ministres. Certains osent même lui faire des remontrances au nom du confucianisme ! En théorie, le souverain doit être un modèle de vertu. Il prie pour ses ancêtres, il laboure symboliquement un champ pour montrer sa proximité avec le peuple.
- À Versailles : Louis XIV a inventé la version théâtrale de la monarchie. Son lever est un rituel auquel assistent nobles et courtisans triés sur le volet. Mettre une manche du roi ? Un privilège qui peut valoir une carrière. La moindre soupe partagée avec Sa Majesté est un honneur inestimable. Le roi rayonne, et ses courtisans tournent autour comme des planètes autour de leur soleil.
Deux philosophies du pouvoir
Le contraste est saisissant :
- En Joseon, le roi est le « père de la nation », censé gouverner avec sagesse. Son autorité dépend de sa capacité à rester fidèle à la morale confucéenne. Trop d’arbitraire, et sa légitimité céleste vacille.
- En France, Louis XIV n’a pas besoin de morale pour justifier son pouvoir. Il se réclame du droit divin : son autorité vient de Dieu, point final. Il n’a pas à être un sage, il lui suffit d’être éclatant.
Soleil et Lune
Un détail amusant : dans la symbolique Joseon, le roi est souvent comparé au Soleil, et la reine à la Lune, les deux astres garants de l’équilibre.
Ironie de l’histoire : c’est justement en Europe qu’un monarque a osé se proclamer « Roi-Soleil ». Mais à la différence des souverains coréens, Louis XIV ne cherchait pas l’équilibre : il voulait toute la lumière pour lui.
Conclusion
Sobriété et harmonie à Gyeongbokgung, éclat et théâtralisation à Versailles. Deux façons radicalement différentes de dire la même chose : « Sans le roi, rien n’existe ».
Qu’il se montre comme un sage confucéen ou comme une star baroque, le monarque reste un acteur principal sur la scène de l’Histoire.
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